Les psychothérapeutes

Les psychothérapeutes, un maillon sous-estimé pour des soins accessibles et de qualité

En Belgique, 1 personne sur 3 se sent mal dans sa peau[1]. Près d'une personne sur quatre souffre de dépression[2]. Parmi les jeunes adultes (18 à 29 ans), 36,5 % souffrent de troubles anxieux et 33 % de dépression[3]. En ce qui concerne l'incapacité de travail, 1 personne sur 4 souffre d'un trouble psychosocial[4].

La Belgique a le taux de suicide le plus élevé des pays de l'UE-14, tant chez les hommes que chez les femmes, bien pire que nos voisins tels que les Pays-Bas et l'Allemagne[5], alors qu'il y a à peine 16,1 (neuro)psychiatres pour 100 000 habitants en 2020, ce qui fait de la Belgique un pays intermédiaire en Europe[6]. Le suicide est la première cause de décès chez les jeunes. Dans la tranche d'âge des 15-24 ans, plus d'un décès sur quatre est dû au suicide. De plus, on constate une augmentation de 22% du nombre de suicides chez les femmes de moins de 30 ans.

La demande de soins est donc plus forte que jamais. Chaque année, près de 150 000 personnes ont recours aux soins primaires en Belgique. Avec des délais d'attente pouvant aller jusqu'à 6 mois pour une personne cherchant une aide psychologique ou psychiatrique. En fonction de la pathologie ou du problème, les délais d'attente varient entre 1 et 23 mois[7]. En raison de la complexité et de l'augmentation de la demande, ainsi que de l'importance de se concentrer davantage sur la prévention, il est nécessaire de réfléchir fondamentalement aux prestataires de soins et à leur organisation. Les énormes délais d'attente et le manque de capacité tant pour les soins aigus que pour la prévention signifient que les prestataires de soins ne peuvent aujourd'hui qu'éteindre les incendies.

Il est urgent d'augmenter le nombre de personnes sur le terrain et de garantir une meilleure qualité des prestataires de soins. En outre, les soins doivent partir des besoins de la personne concernée elle-même. Pour y parvenir, la Fédération belge des psychothérapeutes formule trois recommandations politiques. En effet, les psychothérapeutes ont un rôle important à jouer dans l'offre de soins, à la fois (1) à titre préventif, (2) dans l'offre de soins courants et (3) dans l'offre à bas seuil de soins diversifiés adaptés aux besoins des personnes nécessitant des soins.

RECOMMANDATION 1 : rendre les soins spirituels accessibles dans une société diversifiée

LES DEMANDES DE SOINS DE NOTRE SOCIÉTÉ DIVERSIFIÉE ACTUELLE ...

L'offre de soins actuelle n'est pas suffisamment adaptée à la diversité qui caractérise la société d'aujourd'hui. Pour mieux répondre aux besoins de la population, il est nécessaire de se concentrer sur des soins accessibles et orientés vers la communauté. Les travailleurs de rue, les travailleurs sociaux, les conseillers des centres d'asile, les éducateurs, les conseillers des jeunes non néerlandophones, etc. ont tous une connaissance de terrain et une expertise précieuses pour offrir cet accompagnement spirituel accessible. Cela est nécessaire pour (1) faire tomber les barrières et les tabous, (2) offrir une éducation sur mesure, (3) travailler de manière préventive et (4) faire des interventions adéquates au sein de communautés ou de groupes particuliers.

Le lien entre les soins de santé mentale et le cadre de vie immédiat peut être établi par les psychothérapeutes, dont beaucoup partent de leur expertise de terrain et ont bénéficié d'une formation préalable en tant que travailleurs sociaux, infirmières, .... La richesse de cette expérience de terrain constitue une valeur ajoutée cruciale dans la manière dont les soins de santé mentale devraient être organisés.

... EXIGE DES SOINS À BAS SEUIL ET SPÉCIALISÉS

Dans cette réalité d'une société diversifiée, la Fédération belge des psychothérapeutes plaide en faveur d'une pleine utilisation des psychothérapeutes. Cette valorisation prononcée de la profession est importante pour fournir des soins à bas seuil adaptés aux divers besoins de soins de la population. L'utilisation efficace des bonnes mains permet enfin de réaliser des économies indirectes.

Au niveau fédéral, nous demandons seulement que des choix politiques soient faits pour (1) aborder la psychothérapie comme une discipline distincte et (2) reconnaître les psychothérapeutes comme une profession autonome dans le cadre de la législation WUG. Plus précisément, nous souhaitons que le groupe des professions de santé mentale soit élargi aux psychothérapeutes ;

Les WUG-ers et les non-WUG-ers avec des droits acquis, qui répondent aux garanties de qualité établies,
Les titulaires d'un diplôme en sciences humaines d'un niveau minimum de licence et qui satisfont aux garanties de qualité établies telles que formulées à la page 7 de ce document de vision.
Les titulaires d'un ECP (European Certificate in Psychotherapy) en lieu et place d'une formation spécifique en psychothérapie dispensée par une université ou une école supérieure et qui satisfont à toutes les exigences légales,

RECOMMANDATION 2 : maintenir la qualité dans un système multidisciplinaire

LE BESOIN COMPLEXE DE SOINS DE SANTÉ MENTALE ...

La complexité croissante des soins de santé mentale, ainsi que le besoin grandissant d'une approche de soins individuels partant de la personne ayant besoin d'aide elle-même, signifient que le système de soins passe d'une pensée en silos à une approche multidisciplinaire. Les personnes souffrant de maladies de longue durée, les personnes ayant besoin de soins aigus, les personnes de différents horizons, ... ont besoin d'une équipe de prestataires de soins qualifiés. Le nombre de troubles mentaux n'a pas augmenté de manière significative au cours des 20 dernières années, mais l'impression est là parce que les gens cherchent davantage d'aide. Il s'agit d'une évolution positive, mais qui implique que la qualité des soins doit être garantie afin de fournir les soins adéquats à tous ceux qui en ont besoin.

Un examen plus approfondi des traitements de santé mentale révèle qu'une minorité bénéficie des traitements adéquats. Selon l'Organisation mondiale de la santé, seule une personne sur trois reçoit des soins adéquats[8]. Il en va de même pour le surtraitement. Environ 11 % des personnes recevant un traitement psychiatrique spécialisé en ambulatoire ne répondent pas aux critères d'un trouble mental. Trop souvent, des problèmes émotionnels bénins font l'objet d'un traitement hautement spécialisé8.

En outre, l'engagement qualitatif en faveur de la prévention est insuffisant. Les études de population montrent que seuls 4 adultes sur 10 reçoivent un traitement professionnel dans l'année. Chez les jeunes, cette proportion n'est que de 3 sur 10. Or, les trois quarts des troubles mentaux apparaissent avant l'âge de 278 ans. Les personnes atteintes de troubles mentaux reportent souvent trop longtemps le moment de se faire aider. 9 personnes sur 10 atteintes de troubles mentaux finissent par être prises en charge à un moment ou à un autre, mais cela prend souvent beaucoup trop de temps, ce qui accroît la complexité des problèmes et nécessite un traitement plus spécialisé8. En déployant des équipes interdisciplinaires dans les écoles, les quartiers, etc., une intervention précoce est possible auprès des enfants, des jeunes ou au sein de groupes de population spécifiques ayant des besoins de soins particuliers.

... EXIGE UN NIVEAU DE QUALITÉ ÉLEVÉ

Les psychothérapeutes peuvent jouer un rôle important en déchargeant d'autres professionnels de la santé tels que les médecins généralistes, les infirmières (à domicile), les kinésithérapeutes, les coachs en oncologie, les spécialistes, ... La Fédération belge des psychothérapeutes plaide en faveur d'un cadre qualitatif clair dans lequel le psychothérapeute peut exercer sa profession. Un consensus européen devrait être obtenu en tenant compte des critères suivants:

1. Diplôme (formation préalable) : minimum bachelier ou master en sciences humaines telles que l'orthopédagogie, la sexologie, l'assistanat social, le conseil psychologique, la psychologie, la criminologie, ...

2. Formation complémentaire en psychothérapie répondant aux critères suivants :

  • Minimum 70 ECTS répartis sur une période de 4 ans
  • Dans une modalité reconnue (thérapie cognitivo-comportementale, psychothérapie expérimentale centrée sur la personne, thérapie psychanalytique et psychodynamique, thérapie systémique et familiale, psychothérapie intégrative).
  • Le programme théorique doit absolument inclure les éléments suivants : psychologie du développement, psychopathologie, interventions thérapeutiques, aperçu d'autres approches psychothérapeutiques théoriques (modalités reconnues), théorie du changement.
  • Partie pratique : formation technique pratique sous supervision
  • Supervision
  • Psychothérapie personnelle
  • Examen final

3. Le psychothérapeute s'engage dans le CPD (Continuous Professional Development) : 50 heures par an.

Il va sans dire que l'expansion proposée des professions de la santé mentale ne doit pas se traduire par une perte de qualité. C'est pourquoi la Fédération belge des psychothérapeutes propose aux différents niveaux communautaires que ;

  • Les WUGers et les non-WUGers avec droits acquis, doivent
    • être titulaire d'un diplôme de niveau bachelier au minimum
    • Avoir suivi avec succès une formation spécifique en psychothérapie d'au moins 70 ECTS
    • Avoir effectué un stage d'au moins 2 ans de pratique à temps plein ou son équivalent en cas de pratique à temps partiel s'ils ont commencé la formation de psychothérapeute après le 1er septembre 2016. Pour ceux qui ont commencé la formation de psychothérapeute avant le 1er septembre 2016, ce stage ne s'applique pas.
  • Les titulaires d'un diplôme en sciences humaines d'un niveau minimum de bachelier doivent
    • être admis aux cours de psychothérapie
    • après avoir terminé avec succès la formation en psychothérapie d'au moins 70 ECTS et le stage (d'au moins 2 ans de pratique à temps plein ou son équivalent en cas de pratique à temps partiel), être en mesure d'exercer de manière autonome la profession de psychothérapeute.

Une période de transition devrait être prise en compte en raison des besoins sociaux importants et aigus.

La formation spécifique en psychothérapie doit répondre aux exigences existantes. Ainsi, il doit s'agir d'une formation spécifique en psychothérapie suivie dans une institution universitaire ou une école supérieure, comptant au moins 70 points ECTS.

En outre, nous proposons que la formation spécifique en psychothérapie suivie dans un institut de formation soit également prise en compte. Cette formation doit répondre à des critères spécifiques tels que décrits ci-dessus (voir p7). Cette formation est au moins aussi qualitative que la formation suivie dans une institution universitaire ou un collège.

Enfin, nous soulignons l'importance de la formation continue dans laquelle la thérapie d'apprentissage, la supervision et l'intervision occupent une place importante. L'apprentissage tout au long de la vie est un objectif social important et il est donc crucial que les psychothérapeutes aient également accès à la formation nécessaire et à la formation continue, ce qui n'est malheureusement pas toujours le cas aujourd'hui. Cette garantie ne ferait pourtant qu'améliorer la qualité des soins offerts.

RECOMMANDATION 3 : Réduire les temps d'attente pour une prise en charge adaptée

LA PÉNURIE DE PRESTATAIRES DE SOINS DE SANTÉ ...

4 psychologues sur 10 ont un gel d'inscription. Chez les psychiatres, ce chiffre s'élève à 6 sur 10. L'admission en urgence dans un hôpital psychiatrique prend de 2 semaines à un mois7. Et ce, alors que la demande de soins ne cesse d'augmenter et que de plus en plus de soins de santé mentale sont dispensés dans différents domaines, qu'il s'agisse de l'accompagnement psychologique des personnes atteintes d'une maladie chronique ou de celles qui sont traitées pour un cancer.

Selon l'Association flamande de psychiatrie, il existe une sous-capacité flagrante dans l'offre de soins[9] : "Cela semble paradoxal, mais mettre quelqu'un dans un lit est une solution facile. C'est la conséquence d'un nombre insuffisant d'équipes de soins à domicile et d'un nombre insuffisant de solutions psychologiques et autres. Il est beaucoup plus facile pour les personnes qui ont besoin d'aide de se rendre au service des urgences d'un hôpital et de se retrouver ainsi dans un lit psychiatrique que de chercher une aide ambulatoire auprès d'un psychiatre, d'un psychologue ou d'un autre thérapeute. Les hôpitaux sont accessibles et n'ont pas tendance à renvoyer les gens chez eux immédiatement".

Il y a donc un nombre limité de prescripteurs et un grand besoin de prestataires de soins de santé mentale. L'augmentation de l'offre de psychothérapeutes de qualité peut réduire le nombre de personnes sur les listes d'attente. Ceci en leur permettant d'agir de manière autonome, sans pour autant sacrifier la qualité, comme l'indique clairement la recommandation ci-dessus.

... EXIGE LA PLEINE UTILISATION DE L'EXPERTISE APPROPRIÉE

Aujourd'hui, les psychothérapeutes ne sont entendus que s'ils sont titulaires d'un master. Les psychothérapeutes titulaires d'une licence n'ont pas le droit de vote lors des réunions du Conseil supérieur de la santé. En outre, jusqu'à présent, les psychothérapeutes ne sont pas des interlocuteurs officiels des gouvernements, malgré la valeur ajoutée que leurs connaissances et leur expertise peuvent apporter. La Fédération belge des psychothérapeutes plaide donc pour la reconnaissance de la psychothérapie en tant que titre professionnel et de la psychothérapie en tant que profession. Cela devrait conduire à un point de contact commun et à un statut pour tous les psychothérapeutes qui répondent à des normes de qualité.

*****

[1] Geestelijke gezondheid - Gezondsheidsenquête Sciensano 2018 https://www.sciensano.be/nl/biblio/gezondheidsenquete-2018-geestelijke-g...

[2] https://www.gezondbelgie.be/nl/gezondheidstoestand/geestelijke-gezondhei...

[3] Negende COVID-19-Gezondheidsenquête Sciensano: https://www.sciensano.be/nl/biblio/negende-covid-19-gezondheidsenquete-e...

[4] https://www.mloz.be/nl/Infografie_mentale_gezondheid#chapter_1897

[5] Zelfmoordgedrag België: https://www.gezondbelgie.be/nl/gezondheidstoestand/geestelijke-gezondhei...

[6] https://ec.europa.eu/eurostat/web/products-eurostat-news/-/DDN-20181205-1

[7] https://www.nieuwsblad.be/cnt/dmf20221020_95145561

[8] https://www.zorgneticuro.be/sites/default/files/Zorgnet%20Icuro%20-%20Pu...

[9] https://www.statengeneraalggz.be/wp-content/uploads/2021/03/WGWachttijde...